Chomsky et le petit gros
Longtemps, j'ai associé le nom de Chomsky à des théories de linguistique que j'avais péniblement ingurgitées à l'école. Pas le souvenir le plus groovy qui soit...
Puis j'ai regardé le documentaire "Manufacturing Consent" (que je recommande chaudement). Voir et entendre s'exprimer "le plus grand intellectuel vivant" pendant près de trois heures a changé ma perception du gaillard.
Un moment en particulier m'a marquée. Dix secondes insignifiantes dans le flot d'idées exposées dans le documentaire.
Chomsky se rappelle une anecdote de son enfance. Il a six ans et, dans la cour de l'école, une bande de gosses se moquent du petit gros de la classe. Un des gamins va chercher son grand frère pour lui botter le cul. Se disant que quelqu'un devrait aller aider le petit gros, Chomsky va alors le rejoindre... mais rapidement il prend peur, se sauve et abandonne le petit gros à son sort. Très vite, le petit Chomsky ressent alors de la honte d'avoir laissé tomber cette personne qui aurait eu besoin de lui et il se jure de ne plus jamais faire ça.
Poussé par le souvenir de cette honte et la volonté de ne pas reproduire la même erreur, Chomsky est passé de la position de linguiste reconnu à celle d'activiste sans compromis.
Ces quelques secondes m'ont tout simplement fendu le coeur en deux et m'ont mise face à ma propre honte : celle d'avoir trop peur de sortir du rang pour défendre les valeurs qui me sont chères, et de me prendre une volée de merde au passage.
La honte ne me tentant pas vraiment, vaincre ma peur me paraît maintenant une option bien moins douloureuse.
Bien joué Noam !