Fou
On a tous déjà entendu le dicton :
"Dans un monde fou, seuls les fous sont sains d'esprit."
Il est tellement connu qu'on a du mal à en retrouver l'auteur. Pour certains c'est Érasme, pour d'autres Schopenhauer voire même Akira Kurosawa. Comme beaucoup de dictons sur lesquels tout le monde semble d'accord, il s'agit à peu près d'un concept opérationnel : les définitions de "fou" et de "sain d'esprit" étant variables, les mots deviennent creux et tout le monde y met ce qu'il veut. Il n'empêche que cette sagesse "Yogi-Tea" résume pas mal mon état d'esprit actuel.
Les fêtes de fin d'année ont été motif de retour à la société. Une coupure un peu forcée de la tranquillité de ma vie à la campagne, en télétravail et à mille kilomètres de ma famille. Ce retour à la société a enfoncé un peu plus le clou déjà bien fixé : je vis dans un monde schizophrène. Ou bien je suis moi-même schizophrène, puisque le schizophrène ignore sa condition.
Pourquoi un monde schizophrène ? Parce que les gens ont l'air convaincu du danger climatique et écologique qui les menace mais semblent complètement désintéressés (au mieux, réfractaires au pire) à tout changement d'envergure significative.
On sait que la consommation de bœuf (et de produits laitiers) d'un français représente 20% de ses émissions de gaz à effet de serre mais on l'entendra plus vite critiquer la "terreur végane" que d'envisager limiter sa consommation de viande.
On sait aussi que la consommation de produits manufacturés constitue 25% des émissions du même français, mais on aura plus vite fait de l'entendre vanter les mérites de son nouvel iPhone que de s'interroger sur la nécessité de le remplacer tous les deux ans.
On sait encore que le déplacement d'un français représente une part importante de ses émissions mais on aura plus vite fait d'entendre le récit de son dernier voyage en avion que celui de la réhabilitation de son vélo.
Bref : rien ne va, surtout ne changeons rien.
Je n'essaye pas ici de tenir un discours moralisateur. D'une part parce que personne n'aime se faire sermoner et d'autre part parce que mes actions personnelles quotidiennes sont aussi incohérentes qu'inutiles à l'échelle planétaire.
Non, ce que j'essaye d'exprimer c'est mon décrochage lent avec la raison. Si le monde était composé de climato-sceptiques, je serai bien plus rassuré sur mon équilibre mental : j'aurai l'impression de vivre dans un monde cohérent avec lequel je ne suis pas d'accord. Mais être spectateur de cette farce écologique me demande de plus en plus d'efforts conscients pour ne pas sombrer dans la folie.